Construite en 1865, l'église du 36, rue d’Ulm à Paris a été démolie en 1985. Acquise en 1979 par l'institut Curie, elle a été remplacée par une extension de l'hôpital et des laboratoires de l'Institut. 1981 : Bob Cale, directeur de l'Institut Curie et collectionneur d'art, propose à Sarkis d'exposer dans l'église. (.) Celui-ci préfère penser en termes d'exposition de groupe. Deux artistes (Sarkis et Buren), un conservateur Jean-Hubert Martin), un collectionneur (Selman Selvi) et un organisateur intermittent d'exposition (Michel Claura) se retrouvent ainsi pour concevoir et organiser l'usage qui pourrait être fait de l'église selon ces quatre principes. 1- Il faut pouvoir utiliser l'église jusqu'à sa démolition. 2- Ce sera une exposition à durée indéterminée et certainement anormalement longue, qui ne sera pas finie quand elle commencera mais sera en constante transformation. 3- Pour ce faire, les artistes invités seront conviés à intervenir aussi souvent qu'ils le souhaiteront. 4- En outre, la liste des artistes invités ne sera jamais close. D'après Michel Claura dans le livre consacré aux deux ans d'activités artistiques du lieu.
L'exposition prend la forme d'un véritable chantier, où les artistes travaillent in situ, de juin 82 à octobre 84. En septembre 84, Gilles Mahé se verra confier quelque temps l'organisation de l'exposition, mettant en place le neuvième et dernier cycle avec Philippe Cazal, Jacqueline Dauriac, Nadine Moëc, Felice Varini et Bertrand Wicquart. La dernière invitation au public est lancée le 21 octobre 1984 pour la fermeture définitive.
Pendant deux ans (82-83), j'y intervenais de manière quasi-invisible. (...) Un jour, Sarkis me donne rendez-vous chez Claura et me parle vaguement d'un truc possible à faire rue d'Ulm. Un Gratuit, par exemple. Mais cela ne se fait pas. Un an après, je reçois un faire-part, Sarkis m'invitait à leur truc rue d'Ulm. (...) Le fait qu'il s'agissait d'artistes de renom m'intéressait moins que le fait que c'était en travaux, que je pouvais appliquer la règle du jeu. Entretien avec Jean-Marc Huitorel, 1996
L'entrée à cheval le 30 janvier 1983 [photographie N&B (87,5 x 66 cm, photo François Montarras)]. Gilles Mahé entre à cheval dans la nef de l'église poury déposer une bombe factice, reprenant à la lettre l'indication qui suivait la première liste des participants dans la présentation du projet : « ... D'autres artistes ontété et seront invités. Leur éventuel point commun est, auxyeux des organisateurs, qu'ils seraient à cheval. » Gilles Mahé précise : « Je venais juste de recevoir la distinction de Chevalier des Arts et Lettres. Cela a sans doute contribué au fait que j'ai décidé très vite de venir le dimanche 30.01.83 avec un cheval blanc dans l'église. Le cavalier masqué portait une bombe de trois mètres de haut en carton de boîtes de lessive, des images de presse avec leurs photocopies, le tout solidifié avec du liquitex. (...) Je reçus quelques jours plus tard un coup de fil de Sarkis qui me demandait: « As-tu un projetpour l'église ? (...) Nous prîmes rendez-vous. (...) Je lui sortais les photos que François avait fait du cheval dans l'église. J'ai alors bien aimé le fait d'avoir anticipé la demande de participation. » (Carnet manuscrit, 1984)
Vous aimez le cheval, installation (papier job en soie (30 x 30 cm), table, cartes) [photo coul. (9 x 13 cm, photo Philippe Rolle)]. « J'avais installé les petites photos du cheval sur une petite table ramenée de la maison, dessous j'avais chiffonné une grande feuille sur laquelle j'inscris en letraset les mots : « Aimez-vous le cheval ? ». Cette feuille avait sa place sous un pied de la table, on lisait à moitié le texte. Cazal effectuant le ménage de l'église, jeta le papier à la poubelle, je l'ai ramassé et remis à sa place. » (Carnet manuscrit, Gilles Mahé, 1984)
Marmite de soupe en train de chauffer, le 12 février 1984 (photographie coul. (9 x 13 cm, photo Philippe Rolle)]. La peinture a été réalisée d'après la descriptionsouvenir de John Willett de La chasse la nuit d'UcceIIo, dont la transcription défile sous le tableau. En vis-à-vis, une soupe de légumes mijote sur un butagaz, pour restituer l'odeur de la cuisine où John Willett fit ce récit.
Reconnais avoir démoli la tête de Philippe Cazal : action et déclaration [photographie coul. (13 x 18 cm) et texte dactylographié sur papier déchiré (22,7 x 26 cm)]. « IJn jour à la chapelle, je vis le grand autoportrait que Cazal installaitsur le mur du haut. J'eus envie soudainement de défoncer sa tête au marteau-piqueur. (...) Plus tard, je vins pour reboucherles excavations. J'avais acheté la même peinture que Philippe Cazal, et aidé par Jim, je rebouchais sa tête de plâtre et repeignais, ni vu ni connu. » (Carnet manuscrit, Gilles Mahé, 1984)